disait-on à ce roi
couvert des cendres d’une ville
le rêve lui colle à la peau
de ses bateaux tenus en laisse par le vent
bondissant à la fin sous le flot noir
d’une gorge tranchée
s’en souvint-il à l’heure mortelle du bain ?
Qu’est-ce que le sang d’une fille ?
Enfant je voyais frémir la mer
sous mes crayons bleus
par battements souples du poignet
à l’oblique de la feuille
le papier buvard égalisait les traces
maintenant je sais
le sang d’Iphigénie teignait l’étrave
dans les contes il ne s’en va pas
prémices du sacrifice toujours recommencé
Il y a la mer – et qui l’épuisera ?
Comme on n’épuise jamais l’espoir
d’un foyer à l’heure des lampes
abrité des tempêtes
Thalassa ! Thalassa !
Le cri enfle porté par toutes les voix cassées
d’une troupe en déroute
ils ont tant marché
affronté tous les dangers
pour la promesse d’une terre
en paix
la mer encore à traverser
Il y a la misère – et qui l’épuisera ?
Quel chalut pourrait ramener
en une fois les corps restés au fond ?
Un seul bébé né en mer peut-il recueillir
toutes les vies coupées ?
Est-ce encore la mer
de mes crayons bleus
prélevés un à un
dans la boîte de couleurs ?
Il fallait tailler la mine usée sur une face
et la mince pelure s’enroulait sur la table
comme s’enroulent les chevelures
dénouées parmi les algues
Il y a la mer – et qui l’épuisera ?
Comme on n’épuise pas le courage
de vivre malgré les puissances tristes
malgré les gorges tranchées et les cris arrêtés
parce qu’une certaine touche de bleu
gît au fond de la pourpre
ceux qui partent
l’allument dans leur cœur
(Poème à paraître dans la revue Bacchanales, printemps 2025)
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