Poèmes
Poèmes du jour
Me revient le chant d’une histoire ancienne
qui toutes ces années a fait son bruit de glace
pour m’éteindre le cœur à cette heure de nuit
Le vent secoue des cendres
la lune s’est voilée
rien ne reste de ce qui fut embrasé
Ainsi nous allons par un chemin de pertes
abandonnant costumes de féérie
contempler d’un œil neuf le miroir de l’être
à JM
12 janvier 2023
———————-
On croit
une maison
que c’est un toit et des fenêtres
c’est des murs aussi
où s’enferment des vies
toute une vie peut-être
à se tourner ailleurs
vers le violet de la mer
derrière des volets
ou le vert des prairies
dans l’épais des murs frais
une maison c’est en carton
dit la chanson
une porte qui bat
premières – dernières fois
la mesure du temps
passage entre les mondes
des vivants et des ombres
c’est du bric-à-brac une maison
de faïence et céramique
pichets brocs et cuvettes
toute une armada
des jours simples
un monde plein et creux
où l’empreinte des morts
ne pèse rien
c’est des forêts inextricables
diluées à l’encre
de carnets roides et mangés
des comptes fantastiques
égrenés en colonnes qui s’égarent
dans la mémoire lointaine
une maison ça vous réveille
la vie qui n’en finit pas
d’user sa parole
sur la pierre du seuil
A la Victorine- Pour Claude et Charlotte
17 août 2022
—————————–
Penchée par la fenêtre de l’ordinateur
vision d’un monde en vrac
soulevé par les déflagrations
jeté hors
aux fossés de l’histoire
ici une libellule lisse ma mémoire
fait de l’air une danse
une transparence sourde à la peur
se risquer hors de la bulle
pour voir encore
un peu saisir de l’horreur
et comprendre que des hommes
broient le malheur
comme on moud le café
– question d’intensité
la matin se cherche entre
musique et cris
28 février 2022
—————————
Bleu quand mélange
l’outremer
ciel et mer
en franchissement d’horizon
dépassement de ligne
avec à-plats terrestres
en façon d’îles
dans la bascule du soleil
au partage des eaux
du jour et de la nuit
virant au cobalt
9 janvier 2022
———————–
En lisant la Comédie
Conduits par le poète
aux jambes de soldat de Salamine
nous entrons ici
tout pleins de l’espérance
Au tamis de sa parole
les chemins scabreux
se séparent et s’ordonnent
en une claire harmonie
Midi équilibre les ombres
dissipe les reflets
depuis Enfer vers Paradis
La forêt est un jardin
enclos loin du bruit
que font les âmes du siècle
in memoriam Kolja Mičevič
Sète, 24 juillet 2020
———————————————
Mes amis me pressent d’écrire
je ne serai pas ce vautour
qui arrache des lambeaux d’un air confiné
savent-ils seulement
les mots que je trace
cailloux sur le chemin
et si je me retourne
des paysages se déploient
secouent leurs ombres
prennent le vent
mais s’il n’y a plus de chemin
« je m’en irai de la fête… »
ces vers me hantent
qui disent assez la beauté
du monde sans nous
12 novembre 2020
———————————
Exhibés dans la cour
Des papyrus ruminent
leur ciel exotique
les mouettes crient
une langue barbare
des ramiers languissent
eux frémissent au passage
de nouvelles anciennes
quand pharaons au pschent souverain…
Sète, 23 juillet 2020
—————–
Nous voilà pris
à la chaîne de nos pieds
et de nos manques
albatros des temps nouveaux
comme il est gauche et veule
nous nous sommes crus
géants
des ogres seulement
prêts à ingérer
la terre entière
ne font peur qu’à eux-mêmes
redevenus petits enfants
sans la grâce des commencements
in-fans infantiles
ne sachant voler
qu’avec de lourds jouets
et pas de mot assez léger sur la langue
pour chanter le printemps
22 mars 2020
———————————–
avant même le geste
il y a le goût
le goût de l’encre
déposée sur la langue
encre venue du ventre
et de sa laine consumée
à l’étouffée sous le couvercle
jusqu’au point de métamorphose
en poudre broyée fin
couleur d’écorce et de terre
absorbée par les papilles
goûteuses du texte
goût de l’encre
en amont de la trace
car le verbe est la chair
corps du texte sacré
26 février 2020
————————————-
Quasi en bouche
l’écrin de bakélite
dans les vagues du métro
qui la ballottent
avec un âcre goût de fer
et la portent
jusqu’aux rives d’une
lointaine Afrique
de banlieue
les voix se croisent
à des kilomètres de rail
prennent couleur d’essieux
combattent la rouille
s’équilibrent sur les fils
d’une tendresse inaudible
dans le fracas
reste la mimique
quand une stridence ponctue
la fermeture de la ligne
29 octobre 2019
————–