Poèmes
Poèmes du jour
tu ne voulais pas pourtant
tu ne voulais pas
prendre les armes
toi le poète toi le pacifiste
tu ne voulais pas
devenir cette bête
doigts rivés sur une kalachnikov
tu voulais seulement
tenir tes enfants
bien serrés au bord de la nuit
réunis dans le chaud de ta parole
tu ne voulais pas
qu’ils apprennent à se glisser
dans les rues saccagées
tu ne voulais pas pourtant
que les saisons passent
loin d’eux
mais voilà où tu en es
le choix a germé dans ton ventre
contre le désespoir
tu as laissé pousser en une nuit
l’arbre de ta résistance
tu t’es arrimé à ton amour le plus fort
pour te jeter dans la tourmente
maintenant
tu peux construire pour eux
une maison d’étoiles
qui accueille le vent
20 octobre 2024
À Artem Chapeye (Les Gens ordinaires ne portent pas de mitraillettes)
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De Mikis Théodorakis il reste
quatre photos en noir et blanc sur une porte
au temps de sa relégation
parmi les gens du peuple qu’il aimait
De Mikis Théodorakis il reste
son nom sa musique ses chansons
l’œuvre immense fondée par la lutte et l’espoir
d’un monde plus fraternel encore à venir
les soirs de mélancolie à Zatouna
à rêver d’une autre Arcadie
Du zélé fonctionnaire
qui signa son arrêt
au temps des colonels
rien
juin 2024, Arcadie
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comment il reste assis ce jour-là
voit son ombre se lever
rejoindre l’aimée
c’est toujours la mer
c’est toujours la lumière
même paysage toujours
c’est lui qui reste assis
contemple ses mains
regard transi de Perceval
sur ses doigts écartés d’où coule
le désir à larges gouttes
ce n’est que du sable entre ses doigts
il ne sait pas comment
8 avril 2024
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que dire à ce temps de guerre
saturé d’images qui saignent
ventres à la découpe et têtes
emballées de poussière d’os et de cendres
que dirons-nous dans ce bruit
crachats mitrailles explosions
et pas une parole qui vaille
parfois une larme glisse sur un écran
à la vitre fendue
comme vie dézinguée
laisse voir ses entrailles qui pourriront
que dire à ces visages
non pas visages mais
bouilles de papier mâché
bouches écumant leur haine
pour la rendre bien juteuse
nids de vipères
embrouilles et galimatias
parfois un enfant passe
et ses jambes tricotent
une vie possible
jusqu’au prochain sniper
que dire dans ce temps de l’égarement
tous les jugements derniers
dépendus des musées
libèrent leurs fous
affûtent leurs faux
poussent des cris affreux
et leurs rires tonitruent
parfois un silence suspend la mort
on peut croire à tous les printemps
2 mars 2024
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en apparence le monde va bien
la route monte et descend
au passage des chèvres
le vent joue avec les serviettes
les pierres se prélassent au soleil
du bord de la terrasse le monde
est amical et généreux
la mer cajole ses bleus
dans le creux des montagnes
les oiseaux vont à leurs affaires
en apparence rien ne nous dit
l’envers la brisure la faille
les explosions souterraines
les galaxies en dérade
le chagrin des étoiles
nous nous accrochons ferme
à cette apparence du monde
à la fenêtre où sa plénitude
nous retient de pleurer
quand vient la nuit où tout s’efface
(Un été grec, inédit)
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regarde
toutes ces filles pendues aux grues
leurs chevelures s’étirent en constellations
bien visibles de ceux qui disent
ne pas pouvoir les regarder
ne pas pouvoir
regarder
le corps d’une femme
le vent souffle et disperse
toutes les chevelures les corps
se fondent dans le cosmos
les corps voyagent de galaxie
en galaxie épousent les courbes
de l’infini dansent
sur la corde du vide
leurs mains en balancier
équilibrent le silence
au-dessus des hommes tout en bas
courbés sous les imprécations
leurs doigts infirmes d’impuissants
crispés sur les tables de la loi
et les chevelures
regarde
s’allongent sans limite
enveloppent le monde
de leur résille
15 novembre 2023
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Me revient le chant d’une histoire ancienne
qui toutes ces années a fait son bruit de glace
pour m’éteindre le cœur à cette heure de nuit
Le vent secoue des cendres
la lune s’est voilée
rien ne reste de ce qui fut embrasé
Ainsi nous allons par un chemin de pertes
abandonnant costumes de féérie
contempler d’un œil neuf le miroir de l’être
à JM
12 janvier 2023
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On croit
une maison
que c’est un toit et des fenêtres
c’est des murs aussi
où s’enferment des vies
toute une vie peut-être
à se tourner ailleurs
vers le violet de la mer
derrière des volets
ou le vert des prairies
dans l’épais des murs frais
une maison c’est en carton
dit la chanson
une porte qui bat
premières – dernières fois
la mesure du temps
passage entre les mondes
des vivants et des ombres
c’est du bric-à-brac une maison
de faïence et céramique
pichets brocs et cuvettes
toute une armada
des jours simples
un monde plein et creux
où l’empreinte des morts
ne pèse rien
c’est des forêts inextricables
diluées à l’encre
de carnets roides et mangés
des comptes fantastiques
égrenés en colonnes qui s’égarent
dans la mémoire lointaine
une maison ça vous réveille
la vie qui n’en finit pas
d’user sa parole
sur la pierre du seuil
A la Victorine- Pour Claude et Charlotte
17 août 2022
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Penchée par la fenêtre de l’ordinateur
vision d’un monde en vrac
soulevé par les déflagrations
jeté hors
aux fossés de l’histoire
ici une libellule lisse ma mémoire
fait de l’air une danse
une transparence sourde à la peur
se risquer hors de la bulle
pour voir encore
un peu saisir de l’horreur
et comprendre que des hommes
broient le malheur
comme on moud le café
– question d’intensité
la matin se cherche entre
musique et cris
28 février 2022
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Bleu quand mélange
l’outremer
ciel et mer
en franchissement d’horizon
dépassement de ligne
avec à-plats terrestres
en façon d’îles
dans la bascule du soleil
au partage des eaux
du jour et de la nuit
virant au cobalt
9 janvier 2022
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