Déjà les prend la fièvre de la mer

sa langue de sel sur les lèvres

 

on a quitté tôt ce matin la corniche

aux cris des gosses et des mouettes

 

c’étaient les longs étés de nos enfances

tout barbouillés de couleurs

 

attente de la vague obstinément

les deux genoux enfoncés dans le sable

 

est-ce vers eux que tournent les faces aveugles ?

comme si leur regard

 

resté en deçà dans la touffeur

des chambres obscures

 

revenir au matin nonchalant sur la plage

ses confidences papotées

 

loin des corps à la dérive

et du désir à fond de cale

 

des exhalaisons anciennes

de toutes les traites d’esclaves

 

c’est juste une plage

l’été 60

 

on ne voit pas les campements

ni les cimetières sous la mer

 

(sur une toile de R.F. Grégogna, Camping plage de la corniche 1960 , in Catalogue du Musée Paul Valéry, Sète)

 

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